La frontière entre réseaux sociaux professionnels et personnels serait-elle sur le point de disparaître ? Comment les entreprises peuvent-elles utiliser la puissance de Facebook pour optimiser leur recrutement ?

Avec 27 millions d’utilisateurs en France et deux français sur trois qui déclarent gérer leur carrière en ligne, difficile pour les recruteurs d’ignorer le phénomène Facebook.

Eric Petco, dirigeant d’Ohmyjob, a accepté de nous donner son point de vue sur le réseau, son potentiel et son positionnement.

Comment définiriez-vous Ohmyjob ?

Ohmyjob est un site emploi encapsulé dans Facebook. Il intègre le principe éprouvé des offres d’emploi, à l’écosystème de Facebook et tire partie de toutes les possibilités offertes par le Web 2.0 pour communiquer, échanger, partager.

Facebook est un média gigantesque, il n’en existe pas d’aussi puissant. Ohmyjob diffuse les offres d’emploi sur ce canal. Des alertes peuvent être générées par les candidats. Les internautes peuvent également déposer leur CV, communiquer, échanger et partager.

La logique est simple : Facebook est non seulement un media au sens propre du terme mais aussi un environnement. En effet, de plus en plus, les internautes restent connectés à Facebook à toute heure et interagissent ainsi avec leur réseau. En France, en particulier, les quelques 27 millions de membres se connectent en moyenne 55 minutes par jour. C’est plus qu’aux Etats Unis.

Certaines personnes ne se connectent que deux ou trois minutes et nous nous apercevons que beaucoup sont continuellement connectées. Nous ciblons cette audience et la stimulons pour générer des candidatures.

Facebook permet de diffuser les offres d’emploi auprès d’une large audience captive et ciblée. C’est le concept Ohmyjob !

Comment Ohmyjob se positionne-t-il par rapport à d’autres outils de recrutement sur Facebook (y compris ceux annoncés par Facebook) ?

Les autres outils de recrutement sur Facebook sont des communautés professionnelles comparables à LinkedIn ; par exemple Branchout et BeKnown.
Ce n’est pas notre “business model”. Ohmyjob met simplement en relation recruteurs et candidats. Nous avons de fait, la même logique que Monster : une offre, des candidats, des candidatures. Là où linked’in n’a que peu d’annonces et modifie la relation candidat-employeur, Ohmyjob est l’évolution logique de la petite annonce. Passée du journal au site emploi il y a une dizaine d’années, celle-ci se retrouve aujourd’hui sur Facebook.

Facebook a longtemps été synonyme de controverse en matière d’emploi, en quoi est-il aujourd’hui devenu un canal de recrutement efficace ?

L’usage de Facebook a évolué : les individus font maintenant beaucoup plus attention à leurs informations personnelles. Pour nous, il n’y a pas de controverse. Le recruteur ne peut accéder aux informations du candidat que si celui-ci l’y autorise. Nous ne menons aucune action incitative en la matière.

Facebook est une source de “profils” colossale. Dans quelle mesure le milliard de membres de ce réseau planétaire peut-être considéré comme un vivier de candidats ?

Ce n’est pas un vivier de candidats mais des personnes qui communiquent. Nous utilisons simplement la viralité de Facebook.

En tant que membre, si je sais qu’un ami est en recherche d’emploi je peux lui communiquer les offres susceptibles de l’intéresser. Lui-même pourra relayer le message et ainsi de suite…

Un candidat actif, poste son CV sur différents supports, LinkedIn, Viadéo, Cadremploi, Monster… Avec Ohmyjob, le candidat peut aussi compter sur l’appui de son réseau.

En tant qu’entreprise, je peux créer une page à mon image. Par ce biais, je façonne une identité accessible aux membres. C’est la viralité de Facebook qui fait le reste.

Chez OhmyJob, nous ne cherchons pas à créer une communauté. Nous faisons en sorte que les communautés en place se joignent et communiquent.

Les enquêtes montrent que, sur Facebook, les individus se regroupent par environnement socioculturel et par affinités. Quand un membre correspondant à une population cible partage une offre d’emploi, il touche donc forcément des profils similaires.

Quel est l’apport spécifique de Facebook par rapport à d’autres canaux de recrutement ?

Nos clients choisissent aussi bien Ohmyjob que nos offres presse et site emploi. Ces médias sont en réalité complémentaires. Ils ne correspondent pas toujours aux mêmes cibles. Ils correspondent surtout à des usages différents.

En outre, sur les jobboards leader, l’accent est souvent mis sur les cadres et il y a des redondances d’un canal à l’autre. Facebook donne accès à un panel de profils plus complet : sur 27 millions de personnes, il y a nécessairement le bon candidat.
Le tout c’est d’entrer en contact avec lui, et c’est ce que permet Facebook par rapport aux autres canaux.

Nous avons aujourd’hui des success stories dans le domaine de la grande distribution. Certains postes sont extrêmement difficiles à pourvoir, poissonnier par exemple.

Comment se positionne Facebook en matière d’emploi par rapport aux médias sociaux professionnels (notamment Twitter Viadeo Linked’in) ?

La population présente sur Twitter est plus restreinte et homogène. Sur Facebook : tous les candidats sont présents.

De plus, nous pouvons utiliser les fans de nos clients. Nous mettons ainsi à profit un fort capital sympathie. Facebook, qui était encore récemment centré sur la vie personnelle est en train de se professionnaliser. Nous pouvons désormais cibler directement les bonnes communautés.

Job&Co regroupe à la fois Ohmyjob et www.lemarchedutravail.fr en quoi sont-ils complémentaires ?

Avec Job&Co, nous touchons tous les canaux pour attirer une grande diversité de candidats : la presse, le web, le mobile [avec un site et une application mobile], et Facebook avec Ohmyjob. Ces moyens se complètent et chacun contribue à un recrutement réussi.

En quoi sont-ils concurrents ?

Ils ne sont pas concurrents mais complémentaires grâce à un dispositif de couplage. Je ne crois pas qu’il y ait un outil magique pour le recrutement, c’est plus compliqué que cela. Il y a beaucoup trop de profils de postes, d’expériences, de niveaux…

Vous êtes acteur de l’e-recrutement depuis ses origines. Pensez-vous que les Réseaux sociaux vont supplanter les Job-Boards ?

Non, je pense que la vie des Job-Boards n’est pas du tout en péril. Je pense que les réseaux sociaux ne sont qu’un nouveau média, une autre approche. Dans n’importe quel journal que vous pouvez ouvrir, il y a des offres d’emploi et il y en aura toujours. C’est un canal comme un autre, qui possède sa propre audience

LinkedIn et Viadéo sont deux grandes réussites. Chacun peut s’y montrer et partager avec une ou plusieurs communautés. Mais tous les membres ne sont pas nécessairement en recherche d’emploi. C’est un peu du billard à trois bandes.

Au final, la difficulté c’est de créer les relations entre les individus. Les réseaux sociaux mettent en contact des personnes qui souhaitent être vues. Ce sont des places publiques, des agoras. Il n’y a pas de raison que cela supplante les sites emploi où l’on publie des offres d’emploi et dont la CVthèque est entièrement privée.

Tout cela cohabite parfaitement et facilite le contact entre recruteurs et candidats.

Pensez-vous que les Job-Boards vont se transformer sous l’influence des réseaux sociaux ?

Il y a forcément une évolution.
La radio a eu une influence sur la presse ; la télévision sur la radio et internet sur la télévision. Nous assistons à des changements permanents, mais dire que les job-boards sont morts, je trouve que c’est une ineptie. Monster a créé BeKnown par exemple. Les acteurs sont amenés à progresser parce qu’encore une fois, le métier que nous faisons c’est de la mise en relation. Cela force les Job-boards à innover et à créer de nouveaux produits.

Pour autant, je ne suis pas convaincu que les gens multiplient indéfiniment leur présence sur les réseaux sociaux. Quand vous êtes sur LinkedIn, vous pouvez aller sur Viadéo, mais s’inscrire également sur Branchout et Beknown…

Chaque canal de recrutement prend sa place, et finalement, si certaines entreprises confrontées à des pénuries de profils se tournent vers des sociétés comme Ohmyjob, c’est aussi parce qu’ils ne sont pas pleinement satisfaits des canaux classiques et cherchent à les diversifier.

Si Mark Zuckerberg pouvait exaucer un de vos souhaits, quel serait-il ?

Je crois qu’il y a une grosse évolution à attendre des pratiques des membres de Facebook et sur la confidentialité. Il y a cinq ou six ans, tout le monde racontait tout et n’importe quoi sur Facebook. Les utilisateurs commencent à s’éduquer et font plus attention à ce qu’ils postent.

Si j’avais quelque chose à demander à Marc Zuckerberg, je lui demanderais de professionnaliser cet environnement pour que les gens postent des choses un peu plus sérieuses.

Si vous pouviez percer un secret en matière d’emploi quel serait-il ?

Pour moi, ce qui reste mystérieux c’est de voir le nombre de personnes qui cherchent désespérément du travail alors qu’il y a des entreprises qui dépensent des sommes considérables pour trouver des candidats. L’équation ne fonctionne pas. Le chômage croit obstinément, mais il n’y a pas un seul jour où je ne rencontre un recruteur qui me dise : « je n’arrive pas à recruter ».

Pouvez-vous nous livrer un pronostic sur l’avenir du recrutement et de l’emploi ?

La problématique de l’emploi ne va pas se résoudre demain car nous sommes loin, très loin du plein emploi. Les personnes qui sont en poste n’osent plus changer de situation et les recruteurs n’osent plus recruter car ils sont dans des positions difficiles pour licencier. Tout ceci est un peu bloqué.

Mon pronostic est que tout va encore se compliquer et qu’il y aura toujours besoin de nouveaux outils pour faciliter la mise en relation. Il faudra que nous soyons de plus en plus créatifs pour chercher des candidats.
Je pense à la cooptation, un outil intégré à Ohmyjob, qui est un moyen fabuleux pour recruter. Sur Facebook, coopter est d’une simplicité enfantine.
Je pense aussi à la vidéo qui permet aux entreprises et aux candidats de mieux communiquer…

Tout cela évolue vite et nous avons encore beaucoup de travail !

Propos recueillis par Lucie Loubet

 
Eric PetcoPrésident d’Ohmyjob
A occupé les fonctions de :
CEO Europe – TMP Worldwide
PDG – Panoranet – Empruntis
Président & Fondateur Monster France


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