En tant que discipline transverse L’Intelligence Économique (IE) est parfois perçue, à tort, comme un état d’esprit et non une palette de solutions opérationnelles auxquelles les dirigeants peuvent faire appel pour se développer ou traverser une période de crise. Grâce à l’aimable participation de Charles-Henry Rheinart, qui déploie en partenariat avec la CCI de l’Essonne et la DCRI des actions d’intelligence économique auprès de PME, nous présenterons aussi concrètement que possible ce que peuvent apporter les professionnels de l’IE aux entreprises.

Crise économique : une concurrence exacerbée

Bien que certains secteurs soient par nature plus épargnés, la crise affecte la majeure partie des sociétés et ce à différents niveaux. La taille des marchés tend à diminuer, la concurrence ainsi accrue et de dimension mondiale, se fait plus agressive en termes de prix mais également de pratiques de renseignement. C’est un constat sans appel que fait M. Rheinart : « quand le contexte se complexifie, certains n’hésitent plus à franchir la ligne rouge. Et certaines PME françaises, pour qui le renseignement voire l’espionnage ne sont pas intégrés culturellement peuvent se trouver fortement déstabilisées ».
Il devient également plus difficile de trouver des financements ainsi que des partenaires fiables, alors même que le besoin de développer de nouveaux marchés et de les concrétiser le plus rapidement possible se fait vital.

Face à ces bouleversements, quelles sont les solutions proposées par les professionnels de l’IE ?

Un “outil” de veille stratégique et de renseignement

L’Intelligence Économique permet tout d’abord de voir plus clair, grâce à la veille et au renseignement. Un process de veille structuré alimente en effet l’entreprise en information qualifiée sur sa concurrence, son marché, les besoins de ses clients… Elle permet également de détecter des opportunités commerciales et des relais de croissance (ce sujet sera prochainement repris plus en profondeur sur ce blog).
Ce process de remontée continue d’information peut être complété d’actions ponctuelles de renseignement permettant aux dirigeants de consolider les bons de commande, en vérifiant la fiabilité des fournisseurs (références, force de vente…) ou des clients (capacités de paiement…).
Ces actions d’intelligence économique permettent aussi de décrocher de nouveaux marchés, en identifiant par exemple les contacts et stratégies d’approches chez les prospects, avant la concurrence. Selon M. Rheinart il s’agit même de l’un des principaux besoins des PME, qui face à la pression de la concurrence ressentent le besoin de faire appel à une aide extérieure pour améliorer les résultats de leurs démarches de prospection.

Un “outil” d’optimisation des processus d’entreprise

Enfin, ces missions d’intelligence économique peuvent faire émerger des défauts de fonctionnement non détectés en interne. C’est ce qu’illustre l’exemple de cette mission récemment confiée par une société de mécanique à la CCI de l’Essonne:

Initialement mandatés pour identifier par quel moyen le concurrent principal de l’entreprise était parvenu à capter son client le plus fidèle, les consultants ont mené une enquête auprès du client ainsi qu’au sein de la société de mécanique. Ils se sont alors aperçus que cette dernière avait en réalité négligé d’entretenir un rapport commercial régulier avec un client qu’elle tenait pour acquis. Le besoin dudit client ayant évolué sans que l’offre ne suive, ce dernier a choisi de s’orienter vers la concurrence, plus à même de répondre à ses nouvelles attentes.

Une valorisation du patrimoine immatériel de l’entreprise

L’Intelligence Économique offre des solutions pour valoriser le patrimoine immatériel (marque, réputation, brevets, portefeuille clients…) de l’entreprise. En développant et en mettant en avant des richesses souvent sous-évaluées, l’entreprise gagne en crédibilité auprès de ses clients et de ses partenaires financiers. Il lui est donc plus facile de lever des fonds, de développer de nouveaux partenariats, ou tout simplement de prendre l’avantage sur un marché (nous avons tous en tête les récentes actions d’Apple contre Samsung dans la course pour dominer le très concurrentiel marché de la téléphonie mobile).

Enfin, l’acquisition et la valorisation de l’information ne peuvent être dissociées d’une démarche de sécurisation.

Un levier de sécurisation des données de l’entreprise

Souvent loin des préoccupations des PME, la protection de l’information stratégique de l’entreprise est pourtant primordiale. Malgré les politiques de sensibilisation les attaques sont nombreuses, comme le rappelait récemment lemonde.fr dans un article dont l’extrait suivant ne laisse pas de place au doute : « Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) estime ainsi que 97 % des demandes d’accès à ses serveurs sont repoussées (dont la majorité venant de l’étranger). Il y a aussi les vols d’ordinateurs et de téléphones, dont un quart serait “ciblé” selon nos interlocuteurs, c’est-à-dire lié à leur contenu et non à l’objet lui-même. Dans le train Thalys, 400 ordinateurs seraient volés par an.»
En faisant appel à des professionnels formés et expérimentés, il est possible de cartographier les informations sensibles, de mettre en place une politique de management des risques, ou encore d’éviter les fuites d’informations et lutter contre les pratiques d’ingénierie sociale [1] en sensibilisant les collaborateurs.

Il existe d’autres fonctions de L’Intelligence Économique (notamment l’influence), mais les aspects que nous avons abordés nous donnent déjà un bon aperçu de l’utilité de l’IE en temps de crise.
Mieux informés, les dirigeants peuvent anticiper, éviter les pièges, envisager de nouvelles pistes de développement et les consolider rapidement grâce à une information précise et fiable, transmise à la bonne personne au bon moment. Mieux protégées et mises en valeur, les sociétés gagnent en stabilité et sont capables non seulement de résister, mais également se développer.

Dans un contexte ou le changement devient la norme, l’information doit (pour reprendre les mots de M. Rheinart) être considérée comme un investissement. C’est à cette condition que l’entreprise peut passer de la tactique (réaction et plan d’action à court terme) à la stratégie (vision à moyen et long terme), indispensable pour assurer sa pérennité en des temps difficiles.

A propos de CH Rheinart :

Charles-Henry Rheinart est diplômé en biophysiologie et en administration des entreprises. Il a exercé le métier de conseil en innovation et intelligence à la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Essonne à la fin des années 1990, période où celle-ci était déjà pilote au niveau national pour les actions collectives en intelligence économique à destination des entreprises du département. En 2001, il rejoint un cabinet conseil spécialisé dans la mise en place de systèmes d’information au sein de grands comptes et collectivités territoriales. La CCI Essonne fait de nouveau appel à lui en décembre 2004 pour reprendre la direction de son service d’intelligence économique. Depuis, il a développé de nombreuses actions très opérationnelles pour l’appui des PME en sécurité et renseignement économique dans le département de l’Essonne mais également en Ile-de-France. Il a mis en place des partenariats avec les services de l’état dans la cadre d’une cellule de sécurité économique, et tout particulièrement avec le groupement de Gendarmerie de l’Essonne et la DCRI (Direction Centrale du renseignement Intérieur). Il a intégré en 2009 la Réserve Citoyenne de la Région
de Gendarmerie d’Ile-de-France au grade de chef d’escadron. Il est enseignant vacataire (intelligence économique) à l’Ecole de Guerre Economique (Paris).

Lucie Loubet
Twitter : @lucieloue
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[1] L’ingénierie sociale est définie par l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information comme une « manipulation consistant à obtenir un bien ou une information, en exploitant la confiance, l’ignorance ou la crédulité de tierces personnes. »

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