Nous l’évoquions lors de l’interview de Raphaël Danjou : l’innovation est un formidable levier de compétitivité, qui malgré sa complexité et son côté hasardeux peut être organisé et encadré.

Ses vertus sont nombreuses et louées, mais l’innovation comporte une part de risque important, puisque de son succès peut dépendre la stabilité financière et concurrentielle de l’entreprise.

Les exemples d’innovations ratées ne manquent pas, même chez les entreprises les plus sérieuses.
Pour limiter les échecs et gagner en en productivité, la maîtrise de l’information est essentielle, et ce à chaque étape du processus.

Innovation et intellignece économique

1. Veille stratégique

Un push continu d’information qualifiée est essentiel. Avant, pendant et après le processus d’innovation, la veille apporte à l’entreprise les renseignements nécessaires à la prise de décision.

Les principaux types de veille utiles à l’innovation sont :

  • La veille marché
  • La veille concurrentielle
  • La veille juridique
  • La veille technologique

Ces veilles sont itératives : elles alimentent l’équipe de recherche, qui elle-même doit effectuer des retours réguliers à la cellule de veille, qui ajustera en fonction ses équations de recherches.

Les sources d’information doivent être qualifiées, variées, et si possible croisées. Il peut s’agir de :

  • Sources presse
  • Sites de concurrents
  • Réseaux sociaux
  • Informations terrain : rendez-vous clients, salons, conférences, etc.

Les principales mises à jour (MAJ) se font au moment de l’étude de marché (mise sous surveillance des segments visés), de la conception (adaptation de la veille technologique) et de la commercialisation (suivi des retours clientèles).

2. Knowledge Management (KM)

Mettre en place des procédés pour gérer l’information liée à l’innovation permet d’identifier et d’actionner des leviers d’amélioration. La formation est l’un des leviers principaux.
Le KM identifie les connaissances internes à l’entreprise afin d’en assurer la sauvegarde et le partage. Il permet également d’identifier les besoins en formation.

Une politique de KM a donc pour objectif :

  • De faire remonter l’information terrain (retour des clients et partenaires, rumeurs sur la concurrence …)
  • D’améliorer les performances des collaborateurs
  • De capitaliser sur la connaissance

3. Recherches

A cette étape l’entreprise cherche à compléter sa connaissance du marché pour identifier les objectifs du processus d’innovation. L’innovation doit répondre à un besoin existant ou futur, offrir un avantage compétitif et concorder avec la stratégie de l’entreprise (attention à la cannibalisation). Son succès repose sur une parfaite connaissance de l’environnement de la société.

4. Identification de partenaires

Dois-je me lancer seul ? Ai-je les moyens financiers (cf Intelligence financière) et techniques de mener à bien ce processus ? Quels sont les risques d’échecs et quelles en seraient les conséquences ?
Ces questions doivent être abordées par le dirigeant avant tout engagement. L’innovation en partenariat avec d’autres organisations est une piste à considérer sérieusement, car elle permet de mutualiser les coûts, les risques et les connaissances. Cette démarche, également appelée coopétition peut toutefois contribuer à limiter l’avantage compétitif, puisque l’innovation créée n’est plus la propriété exclusive de l’entreprise.
Les techniques de recherches associées à l’IE permettent à cette étape d’identifier de potentiels partenaires, puis de conduire les due-diligences nécessaires.

5. Test marché

Au moment de la conception du produit, plusieurs pistes sont avancées. Pour valider ou invalider ces pistes, l’équipe d’IE doit apporter un flux continu d’information objective, obtenue au moyen d’études de marchés et de rencontres avec les protagonistes du marché. Il est crucial que ces tests soient effectués par une ou des personnes externes à l’équipe de R&D pour éviter les biais cognitifs (notamment les biais d’engagement, qui poussent les collaborateurs trop impliqués à ignorer les informations invalidant les hypothèses de recherche).

6. Protection de l’innovation

La protection de la propriété intellectuelle de l’entreprise est une étape clé lors de laquelle deux questions sont à prendre en considération :

  • Quand déposer le(s) brevet(s) : le(s) déposer tôt implique de dévoiler rapidement de l’information à la concurrence, le(s) déposer tard implique le risque de voir cette même concurrence breveter la technologie en premier.
  • Sur quelle zone géographique : breveter une technologie au niveau mondial peut s’avérer extrêmement coûteux, mais ne breveter que sur son marché national laisse la possibilité à des concurrents internationaux de s’approprier facilement la technologie en question.

Pour prendre les meilleures décisions, il est conseillé de s’appuyer sur des spécialistes de la propriété industrielle (disposant souvent du double parcours juridique-IE).

7. Influence

Certains échecs sont dus à une mauvaise conduite du changement. Pour garantir l’acceptation de son innovation, l’entreprise doit influencer sa clientèle, ses partenaires, voire les autorités publiques, grâce à un savant mélange de marketing et de lobbying. On cherchera à cibler en premier lieu les prescripteurs et les « early adopters », qui se feront par la suite les relais de l’argumentaire commercial auprès du reste du marché.

8. KM (knowledge management)

La connaissance générée lors du processus d’innovation, y compris les pistes non exploitées, doit soigneusement être conservée. Elle pourra ainsi être réutilisée, partagée et améliorer l’efficacité des prochains processus d’innovation.

L’IE est donc un support précieux pour les entreprises innovantes. Mais il ne faut pas oublier que l’innovation peut aussi naître dans des bulles de créativité libres. Tout aussi agile qu’il soit, un processus ne peut être à lui seul garant de la créativité optimale. Dans la définition des objectifs par exemple, les cellules d’innovation font généralement intervenir les équipes de R&D, afin de garantir une dose d’intuition, d’humain et de hasard. L’information objective apportée par l’IE sert ensuite à cadrer les hypothèses de recherche.

En laissant du temps et des ressources hors processus aux chercheurs, L’IE permet de limiter les risques, catalyse et assure la pérennité de la connaissance créée.
A une période où les cycles de vie des produits ont tendance à raccourcir, elle est d’autant plus importante qu’elle aide l’entreprise à rentabiliser au plus vite ses démarches.

Article rédigé par Lucie Loubet

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